Depuis quelques décennies, nous nous efforçons de construire des bâtiments respectueux de notre environnement. De plus en plus performants et pertinents, de nombreux facteurs sont pris en compte dans l’élaboration des projets de construction : réduction de l’empreinte carbone, meilleure isolation thermique et anticipation de la fin de vie du bâtiment, pour ne citer que quelques points.
Pourtant, la préservation de la biodiversité dans un projet de construction est une problématique encore récente et relativement peu connue. Cette raison peut s’expliquer par l’héritage d’une vision dichotomique entre architecture et nature : à l’origine, les habitats étaient construits pour se protéger du climat et des dangers extérieurs. Aujourd’hui, cette opposition est devenue obsolète face aux enjeux environnementaux et il devient vital de développer des stratégies vertueuses.
Intégrer la biodiversité dans un projet de construction : pourquoi et comment ?
Les avantages à intégrer la biodiversité sont nombreux
Alors que nous entrons dans la sixième extinction massive sur Terre, la volonté première est bien évidemment de protéger la biodiversité. Malheureusement, nous savons que l’action de l’homme est la cause principale de cette extinction : destruction des habitats naturels, fragmentation des espaces, pollution sonore, lumineuse, de l’eau, de la terre et de l’air, … Il devient urgent d’inverser la tendance en remettant la biodiversité au cœur de nos projets.
Pour autant, intégrer cette biodiversité comporte aussi de nombreux avantages pour nous ! Notamment pour notre bien-être : des études récentes ont démontré que le contact régulier avec la nature nous aide à être plus heureux et à guérir plus vite. C’est ce qu’on appelle la biophilie. Au-delà du contact, c’est aussi la beauté de la nature qui nous procure du plaisir. Il est important de voir la biodiversité présente comme une opportunité plutôt qu’une contrainte. Cette vision se retrouve dans la conception bioclimatique qui tire parti des conditions environnementales existantes pour concevoir un projet écologique. Plus d’informations à ce sujet ici.
Le coût d’une bonne intégration de la biodiversité varie énormément d’un projet à l’autre. Mais dans l’ensemble des cas, une plus-value est observée. Avec une bonne stratégie, des solutions peu coûteuses peuvent être mises en œuvre facilement. Par exemple, l’installation de nichoirs à oiseaux est une action très efficace et peu chère. Certaines stratégies permettent même d’économiser de l’argent : plantation d’arbres fruitiers, construction d’une ruche, utilisation du bois des arbres pour se chauffer.
Une bonne intégration demande de la connaissance et de l’anticipation
Il est vivement conseillé d’anticiper le plus tôt possible les bonnes stratégies à adopter grâce à l’aide d’un professionnel dans ce domaine. Les naturalistes, les écologues ou encore les paysagistes sont qualifiés pour cela. Ce professionnel (ou cette équipe) établit en premier lieu l’inventaire des espèces animales et végétales présentes, puis propose des solutions qui concilieront au mieux l’écosystème déjà présent et le futur projet.
Un bâtiment impacte la biodiversité tout au long de son cycle de vie, il faut donc prendre en compte l’ensemble des étapes et ne pas se focaliser uniquement sur le bâtiment ou l’aménagement final. Par exemple, lors de la phase chantier, il faudra faire en sorte de préserver au maximum la végétation présente face aux possibles impacts causés par les engins et installations de chantier, ou encore minimiser les pollutions sonores et lumineuses. C’est pour cela qu’il est important d’anticiper le plus tôt possible les bonnes stratégies à adopter. Au mieux la biodiversité présente sera préservée, au moins il y aura besoin de la reconstituer artificiellement par la suite.
Outre l’appel à des professionnels, de nombreux autres moyens de renseignements sont disponibles. Il existe des sites et organismes spécialisés, par exemple la LPO mais aussi les fiches pédagogiques de Biodiversité et Bâti. De plus, certains documents et outils d’urbanisme comme les SCOT et PLU, intègrent des clés essentielles à connaître et à suivre pour une bonne intégration.
https://www.biodiversiteetbati.fr/

Les stratégies principales à adopter à l’échelle du terrain
Lutter contre l’artificialisation des sols
Limiter l’artificialisation des sols est un des enjeux principaux pour préserver la biodiversité. En France, c’est l‘équivalent de la surface d’un département qui est artificialisé tous les 10 ans. Cette problématique est particulièrement présente en ville, où la densité est privilégiée à la sauvegarde des espaces naturels. Pourtant, les avantages de ces espaces verts en ville sont nombreux : ombrage, îlots de fraîcheur, purification de l’air, meilleure gestion des eaux de pluie, esthétique, bien-être.
Le premier réflexe à avoir est donc de construire le moins possible, qu’il s’agisse de bâtiments ou d’infrastructures. Si des structures ou infrastructures sont déjà existantes, il convient alors de les exploiter au maximum et de les rénover si besoin. La démolition et la reconstruction ne doivent venir qu’en dernier recours. De plus en plus privilégiée, la rénovation comporte de nombreux avantages écologiques. Il est préférable d’utiliser des matériaux organiques et perméables pour les infrastructures, comme de la pleine terre, des gravillons ou des pavés enherbés. Une autre alternative peut être de construire sur pilotis, solution adoptée pour l’éco-quartier du Séqué à Bayonne.
En plus de limiter la surface des sols artificialisés, il faut aussi faire attention à éviter la fragmentation des espaces naturels et de préserver des corridors écologiques. Cette fragmentation est principalement due à nos infrastructures. Les trames vertes et bleues sont des bons exemples de corridors mis en place à l’échelle du territoire afin de permettre à la biodiversité de se déplacer sans barrière. Il est donc préférable, et même obligatoire dans certains endroits, de construire sur son terrain des limites perméables comme des haies ou des grillages rehaussés qui permettront aux insectes et petits rongeurs de se déplacer.
Privilégier la biodiversité déjà présente
En plus de la perte d’espaces naturels, une perte énorme de la diversité des espèces animales et végétales est observée. Cette perte est en grande partie due à la transformation des écosystèmes naturels par l’Homme. Celui-ci opère une sélection non-naturelle et limitée d’espèces dans le but de lui rendre des services. L’agriculture en est un parfait exemple : la monoculture est privilégiée afin d’assurer un maximum de rendement, au détriment de la biodiversité.
Il faut tout donc préserver les espèces locales, qu’elles soient ordinaires ou remarquables, et permettre leur prolifération. L’importation de nouvelles espèces, pour des raisons d’esthétique ou de service, peut se faire mais une attention particulière doit être observée afin de ne pas perturber la biodiversité présente. L’apport de nouvelles espèces ou substances chimiques peut complètement bouleverser un écosystème, comme c’est le cas pour les algues vertes en Bretagne ou l’importation d’espèces exotiques envahissantes. Chaque écosystème est unique et il convient de trouver des solutions adaptées pour chacun.
Afin d’assurer la pérennité des espèces locales, des espaces où la biodiversité peut se développer librement doivent être délimités, il n’y pas d’interventions humaines dans ces espaces (coupe, utilisation de pesticides, …). Dans la même idée, des zones de fauchage tardif peuvent être mises en place. Une fois de plus, ces espaces naturels comportent de nombreux avantages : ils sont beaux et il y a moins d’entretien qu’un espace vert « travaillé », donc une économie de temps, d’argent et d’énergie.
Les stratégies principales à adopter à l’échelle du bâtiment
Intégrer la flore dans un bâtiment

En complément ou en l’absence d’espace vert, la végétation peut aussi être intégrée au sein même d’un bâtiment. Cette réflexion se développe surtout en milieu urbain, là où il y a moins de surface disponible au sol pour sauvegarder des espaces naturels. Des solutions classiques sont remises en avant dans les bâtiments écologiques, comme la construction de serres et de jardins d’hiver. Il existe aussi des projets plus innovants, allant parfois jusqu’à utiliser directement des arbres comme structure :
https://futurearchitectureplatform.org/projects/537905c7-70ab-4bbb-a4a9-3ef833f1c078/
Les toitures et façades végétales peuvent être une bonne solution, mais à certaines conditions seulement. En effet, la majorité des toitures végétalisées sont composées uniquement de sédum. L’écosystème qui se développera sera alors plutôt pauvre en diversité et peu résilient voire fragile. Cependant, les toitures et façades végétales permettent d’accueillir des insectes et des oiseaux tout en améliorant l’isolation thermique et l’esthétique du bâtiment.
Pour les façades, les plantes grimpantes comme le lierre ou le chèvrefeuille sont très efficaces. D’autres plantes exotiques demanderont beaucoup plus d’entretien et de besoin en eau.
Pour le toit, la contrainte principale vient du poids qui augmente considérablement avec le substrat nécessaire au bon développement des plantes. Là encore, il convient d’anticiper le plus tôt possible sa conception dans le processus du projet.
Intégrer la faune dans un bâtiment
De la même manière que pour les plantes, la majorité des bâtiments conçus pour accueillir des animaux le sont pour rendre service à l’Homme : fermes, industries alimentaires, … Ce n’est que récemment que l’intégration de la faune est prise en compte pour des enjeux écologiques. Pourtant, certaines espèces ont naturellement trouvé refuge au sein de nos bâtiments, comme les hirondelles sous les avancées de toit. Aujourd’hui, il devient nécessaire de penser à des alternatives pour offrir de nouveaux habitats dans nos constructions artificielles.
Des solutions déjà existantes peuvent être intégrées au sein même des bâtiments de manière innovante. Par exemple, la Bourdonnerie à Dijon accueille le plus grand hôtel à insectes de France, celui-ci est haut de 6m et intégré directement dans sa façade. On peut aussi inclure facilement, des nichoirs pour les oiseaux en façade ou exploiter les toitures terrasses en y installant des habitats adaptés aux espèces présentes et à préserver.
Par ailleurs, des agences d’architecture et des bureaux d’études se concentrent sur cette problématique et développent des solutions inédites spécifiquement pour les bâtiments. Par exemple, de nouveaux matériaux permettant d’accueillir la biodiversité voient le jour : les « bee briques » sont des briques trouées afin d’y accueillir des abeilles. L’Agence Chartier Dalix travaille sur des prototypes de murs dans cette lignée : un mur de pierres, un de briques et un monomur.

Conclusion
Rappelons qu’il est primordial de faire appel à un professionnel afin d’adopter des stratégies efficaces et adaptées aux espèces locales. Bien intégrer la biodiversité à un bâtiment est une question complexe, car chaque écosystème est unique et nous ne sommes qu’aux prémices des solutions possibles pour le préserver. Toujours est-il que les innovations allant dans ce sens sont de plus en plus nombreuses et nous permettent d’espérer que les constructions de demain accueilleront aussi bien la nature que l’Homme.

ARGANTAËL BEUCHERIE
Architecte diplômée d’état et certifiée Pro Paille