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Les fermes urbaines, solution pour nourrir la ville ?

Louisa Frangeul Articles écoconstructions

L’alimentation et l’agriculture, des enjeux au cœur des changements à venir

Actuellement, on estime qu’un quart des gaz à effet de serre est dû à l’alimentation en France. La production et la consommation de nourriture sont donc des leviers clés de la transition écologique.

Concrètement, il y a cinq postes principaux de dépense d’énergie dans le secteur de l’alimentation :

-La production, c’est à dire l’agriculture. Elle peut être de deux types différents : végétale ou animale. Dans le premier cas, les postes de dépense seront l’utilisation de produits phytosanitaires et d’engrais, le chauffage des serres, le carburant des machines agricoles, et le stockage et la conservation des productions. Dans le cas d’une agriculture animale, c’est surtout l’alimentation des bêtes, la digestion des ruminants, les bâtiments et la santé qui dépensent de l’énergie.

-La transformation, avec la conservation, le lavage, la cuisson ou encore l’emballage.

-Le transport, surtout en fonction du mode de transport utilisé et de la distance.

-Le commerce, avec l’approvisionnement, la conservation et le gaspillage.

-La consommation, en fonction des pratiques alimentaires, du transport des courses, de la cuisine en elle-même mais aussi des déchets et du gaspillage.

Ces différentes étapes constituent ce que l’on appelle l’énergie grise, qui correspond à la totalité de l’énergie consommée lors du cycle de vie complet du produit, en l’occurrence ici les aliments. Cette énergie grise est à l’heure actuelle énorme, et doit absolument baisser si l’on veut améliorer les choses. Or, on ne peut espérer cette amélioration si l’on reste dans le même système alimentaire que celui qui se pratique actuellement.

De plus, changer ce système est d’autant plus nécessaire que l’Organisation mondiale pour la santé et l’agriculture estime que d’ici à 2050, la production alimentaire devra augmenter de 60 % pour nourrir une population mondiale de 9,3 milliards. Il est donc nécessaire d’arrêter de pratiquer une agriculture intensive et mono-culturelle, usant de produits phytosanitaires, participant à la déforestation et vectrice d’injustices sociales.

Nouveau système alimentaire et agricole durable : 10 principes

L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture a donc défini 10 grands principes pour obtenir un nouveau système alimentaire et agricole durable :

  1. La diversité, au sein même des cultures afin de favoriser une biodiversité complexe et résiliente
  2. Les synergies, qui rendent plus efficaces les systèmes de production
  3. L’efficience afin d’obtenir des systèmes qui produisent plus en utilisant moins de ressources externes
  4. La résilience, c’est à dire la capacité pour le système d’évoluer et de se renouveler
  5. Le recyclage
  6. La co-création et le partage de connaissances
  7. Les valeurs humaines et sociales, notamment en combattant la précarité dans laquelle sont aujourd’hui la plupart des exploitants agricoles et en favorisant la diversité de genre
  8. Le respect de la culture et des traditions alimentaires
  9. L’économie circulaire
  10. Une gouvernance responsable

Ces principes sont tous liés et interdépendants, et nécessaires pour assurer un nouveau système agricole durable.

Les fermes urbaines, vers un nouveau système agricole ?

Face à ces enjeux cités précédemment, on assiste à un regain d’intérêt pour l’agriculture urbaine. En France, cette pratique, qui consiste donc à cultiver au sein des villes et à leur pourtour, n’est pas nouvelle. En effet, au 19e siècle, la totalité de la ville de Paris est nourrie grâce à une zone maraîchère située entre Aubervilliers et la Courneuve. Elle disparaîtra avec l’arrivée du chemin de fer et l’agrandissement de Paris. De même, la création de cités jardins et des jardins ouvriers avant la première guerre mondiale permettait aux citadins de bénéficier d’une auto-suffisance alimentaire.

Aujourd’hui, cette agriculture en ville est surtout concentrée dans des fermes urbaines. La définition de ces dernières peut se baser sur les critères suivants :

-Le lieu est situé hors de la zone agricole et dans un périmètre urbain

-Une ferme urbaine est une entreprise, un organisme ou un individu faisant une production alimentaire ou horticole vendue par une chaîne de distribution locale, ou donnée à l’entreprise qui héberge l’exploitation ou encore transformée pour la mise en marché

-Les fermes urbaines doivent participer au développement environnemental et social des villes

Ces fermes peuvent prendre différentes formes et différentes échelles. Leurs lieux d’implantation sont très divers, entre occupation de friches urbaines, d’interstices, d’anciens sites industriels ou encore tout simplement des toits, des parcs, ou des jardins. De plus, le mode même de culture utilisé peut varier. On retrouve ainsi de la culture en pleine terre, l’utilisation de substrats rapportés de type déchets verts, ou bien de la production hors-sol, en hydroponie ou aquaponie par exemple. Le mode de distribution est également variable, entre vente sur place, restauration, paniers, marchés ou même grands magasins.

Cette diversité permet de s’éloigner d’une standardisation de l’agriculture et donc de s’adapter aux spécificités et caractéristiques propres des villes dans lesquelles elles s’implantent. 

Fermes urbaines : les avantages

Les avantages de cette pratique sont nombreux. Dans un premier temps, cela permet de réaliser la production agricole directement là où se trouvent les consommateurs, et donc de diminuer une grande partie de l’énergie grise des aliments en évitant un transport long et en limitant les emballages. De plus, cela créé des îlots de végétation au sein des villes, ce qui permet d’améliorer la qualité de l’air et des sols mais aussi de capter une partie du C02 produit par les citadins.

Aussi, il y a un avantage économique à créer des fermes urbaines. En effet, cela va permettre de créer de nouveaux emplois, de nouveaux systèmes économiques, mais également de valoriser le foncier en le végétalisant. Certaines fermes urbaines ont également un but non lucratif et permettent donc d’offrir aux personnes les plus précaires une alimentation locale et saine.

Cela apporte également des bienfaits pour la santé, en faisant jouir à tous de fruits et légumes non traités.

Enfin, c’est aussi un formidable outil social et pédagogique, en étant vecteur de réinsertion sociale et de partage inter-générationnel et culturel. Les fermes urbaines permettent très souvent à tous de mettre les mains dans la terre et ainsi de se sensibiliser à l’environnement tout en profitant de tous les bienfaits thérapeutiques de l’activité même du jardinage.

Fermes urbaines : les limites

Cependant, les fermes urbaines ne sont pas une solution miracle et possèdent tout de même des limites et inconvénients.

Premièrement, elles ne permettent pas une autosuffisance totale. En effet, certaines cultures, à l’instar de celles des céréales, nécessitent de très grandes surfaces pour être rentables. L’agriculture animale est aussi limitée en ville car les conditions ne permettent souvent pas le bien-être des bêtes.

De plus, l’accès au foncier constitue un des freins principaux au développement de l’agriculture urbaine. En effet, les espaces disponibles en ville se font de plus en plus rares car l’urbanisation ne cesse de croître.  L’artificialisation des sols augmente même quatre fois plus vite que la population. Une des solutions envisagées pour endiguer ce problème est d’avoir recours à des systèmes de cultures hors-sol comme l’hydroponie, mais leur impact environnemental est controversé car cela utilise énormément d’eau.

Enfin, une des limites est également la qualité de l’eau, du sol et de l’air. En effet, la pollution des sols n’est pas encadrée par une quelconque loi spécifique et il est donc difficile de s’assurer qu’il est assez sain pour cultiver des fruits ou des légumes. Les déchets et rejets de l’industrie, des ménages et des transports contribuent à la diffusion de métaux dans les sols. Ces derniers sont toxiques pour les écosystèmes mais également pour l’Homme et leur ingestion est donc totalement déconseillée.

Ainsi, les fermes urbaines, même si elles ne sont pas une solution miracle et possèdent des limites qu’il faut considérer, sont des formidables outils productifs et pédagogiques qui permettent de proposer un nouveau mode cultural, nécessaire pour faire face aux enjeux sociaux et environnementaux que soulèvent l’alimentation.

Exemple architectural de ferme urbaine : la ferme du Rail

La ferme du rail est située dans le 19e arrondissement de Paris, et est un véritable équipement de quartier autour de l’agriculture urbaine. Elle comprend donc une ferme, un restaurant, mais aussi des logements, une épicerie et un lieu de formation. Son but est de limiter un maximum les besoins en ressources énergétiques, alimentaires et financières par la mise en œuvre d’une économie circulaire et d’un circuit court. La ferme du rail développe des activités maraîchères tout en valorisant les déchets organiques de la ville. Elle est gérée par une communauté de personnes en insertion et d’étudiants en horticulture, ce qui en fait un vrai projet social.

Crédit photo : Myr Muratet

Le projet architectural et constructif correspond également aux valeurs défendues par la ferme du Rail.

Elle se divise en deux bâtiments distincts, le premier abrite les chambres pour les personnes en réinsertion, dont la plupart travaillent sur place, et pour cinq étudiants en horticulture. Ils vivent ainsi en communauté. Le second bâtiment quant à lui abrite une serre et un restaurant, baptisé Le Passage à niveau, qui est donc alimenté par la production maraîchère de la ferme.

Crédit photo : Jerômine Derigny

Les architectes, de l’agence Grand Huit, ont également voulu que leur construction ait l’impact le plus minime possible sur l’environnement, en en faisant un bâtiment biosourcé. L’ossature est donc réalisée en bois, avec un isolant paille et un autre en coton recyclé. Le réemploi est également utilisé, notamment pour le mur de soutènement, réalisé en briques de voirie de réemploi ou encore pour le carrelage des logements. Les façades sont faites avec des rondins en châtaigner. De plus, les performances en terme de thermique et de gestion de l’eau sont exemplaires. 

Crédit photo : Myr Muratet

La Ferme du Rail peut donc être considérée comme un parangon de ferme urbaine résiliente, sociale mais aussi esthétique.

Sources

https://www.culturesenville.fr/ferme-urbaine/

https://etransiecn.files.wordpress.com/2020/11/lagriculture-urbaine-enjeux-et-limites.pdf

Lagneau, A., Barra, M. et Lecuir, G. 2015. Agriculture urbaine : vers une réconciliation ville-nature, Neuvy-en-Champagne : Le Passager clandestin.

https://metropolitiques.eu/L-agriculture-urbaine-solutions-et-illusions.html

LEA DUMAS

Etudiante en architecture

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